Summary: | Sommaire Éditorial. Utopie économique vs idéologie économique, Michel Barrillon & Jacques Luzi La fin de lutopie, Herbert Marcuse (Traduit de lallemand par Liliane Roskopf & Luc Weibel) Toutes les forces matérielles et intellectuelles qui peuvent contribuer à réaliser une société libre sont en effet présentes. Si elles nagissent pas, cest à cause de la mobilisation totale de la société établie contre la possibilité de sa propre libération [
] Ce qui est en jeu, cest lidée dune nouvelle anthropologie, non seulement comme théorie mais comme mode de vie : cest lapparition et le développement dun besoin vital de liberté et des besoins vitaux attachés à la liberté. Dune liberté qui ne soit plus fondée sur (ni limitée par) le travail aliéné dans la médiocrité et la nécessité. Il est nécessaire de développer des besoins humains qualitativement nouveaux. LURSS, un capitalisme dÉtat réellement existant. Dun mensonge « déconcertant » à lautre (I), Michel Barrillon Nous vivons à présent dans un monde désenchanté parce quil nest désormais plus permis de rêver une société où le « libre développement chose que lautre fois, quand vous avez trouvé le grand Landivar endormi. Jai sacrément envie de mettre mon bras devant mon visage, mais je me retiens. Je sais pas quoi faire de mes yeux : est ce quil faut les serrer très fort pour les empêcher de trembler ? je sens du sable couler entre mes paupières. Pas de panique, mon vieux, tiens toi tranquille. 4 de tous serait la condition du libre développement de chacun ». Si lon en croit les esprits avisés « cest-à-dire tout le monde » , il ny aurait en effet plus dalternative au capitalisme trop réel depuis leffondrement de ce qui était présumé symboliser son antithèse. Lhumanité serait condamnée à se soumettre à lordre capitaliste et à communier dans le culte de la « démocratie-marché » stade de développement des sociétés qui signifierait à la fois la fin de lhistoire et celle des idéologies. Libéralisme & nihilisme, Jacques Luzi Il nest pas suffisant de contrôler et de discipliner la population afin doptimiser la croissance de la production (et des profits) ; encore faut-il développer une « science de la demande », cest-à-dire les règles propres à léducation de son désir, de ses envies et de son attachement au superflu. Aujourdhui, lobsolescence des produits est programmée et la création volontaire des besoins est consacrée comme un « art » : celui de la publicité, ou de la mode. [
] Quon ne sy trompe donc pas : nous sommes les héritiers de ce dressage du corps et de lesprit dans les dimensions de la production et de la consommation, de la consommation pour la production, de la production pour le profit. Et rien ne mérite notre considération qui naille pas résolument à lencontre de ce dressage, et des murs desclave qui en découlent. Réponse aux producteurs. Sur lindustrie criminelle, Armand Farrachi< Au royaume du tout économique, cest-à-dire absolument partout, lobscène petite fée rentabilité a transformé la réalité en marchandise. On croyait naïvement trouver encore des livres dans les librairies, des aliments dans nos assiettes, des conseils et des timbres aux guichets de la poste, et voilà quil ny a plus que des « produits ». [
] Le dictionnaire, qui définissait dabord lindustrie comme « lensemble des opérations qui concourent à la production et à la circulation des richesses », a jugé utile de préciser que ce sens est « vieilli », et il complète, « moderne : ensemble des activités économiques ayant pour objet lexploitation des richesses. » Sans changer de mot, on passe de la production à lexploitation, de la création à la prédation, au pillage, ou au parasitage. ATTAC contre la dictature des marchés financiers, Jérôme Almendro La première action quATTAC entend mener à bien vise la spéculation financière internationale. Elle repose sur lidée de la taxe Tobin, du nom de léconomiste américain James Tobin, professeur à luniversité de Yale et prix Nobel déconomie 1981. Telle quelle était initialement conçue, la taxe visait essentiellement à stabiliser les marchés financiers dont les pratiques apparaissaient déjà à certains observateurs comme conduisant inévitablement à des crises. Le projet den reverser le montant au FMI témoigne de ce premier stade. Lidée poursuit ensuite son chemin
Utopie pour le Temps présent, Philippe Van Parijs Nous avons aujourdhui encore le droit et même le devoir de rêver, dimaginer des mondes meilleurs, de donner un contour concret à la conviction que notre monde, notre société ne sont pas les meilleurs que nous puissions construire. Nous avons certes aussi et dans le Temps présent plus que jamais auparavant le devoir de garder les pieds sur terre, dêtre réalistes. [
] Mais trêve de généralités ! Il importe de dire quil peut, quil doit encore y avoir des utopies. Mais ce ne sont là que paroles insignifiantes si lon ne prend pas la peine et le risque de faire des propositions, délaborer des projets, de les soumettre à la discussion et à la critique. Alors, donc, quelle utopie pour le temps présent ? Le revenu universel. Un antidote à lapartheid global, Myron J. Frankman À ne sattacher quaux droits de ceux qui restent chez eux, les différentes déclarations des droits de lhomme restent incomplètes et marquées par une certaine étroitesse de vue. La mondialisation « par le bas » pour le citoyen lambda nécessite la proclamation des droits de voyager, de résider et dobtenir la citoyenneté sans être soumis à des restrictions et des délais exorbitants. Et la mondialisation « par le haut » avec ses effets générateurs dinégalités et dexclusion impose denvisager un système planétaire de répartition des services et du revenu (sous forme, par exemple, dun revenu citoyen garanti), si nous voulons respecter notre engagement collectif envers les droits de lhomme dont la liberté de mouvement au sens le plus large, cest-à-dire, aussi, la liberté de ne pas émigrer. Léconomie distributive, Marie-Louise Duboin Par la mise en place de conseils économiques et sociaux décentralisés, léconomie distributive instaure une démocratie participative dans la vie économique, en conciliant individualisme et responsabilité de chacun avec la prospérité de lensemble de la société. Léconomie distributive ne supprime pas le marché. Par la discussion publique des contrats, elle le remet à sa place : léchelle humaine. Elle rend au marché son rôle essentiel : confronter les besoins des uns avec ceux des autres, comparer les demandes avec les moyens de les satisfaire. La course vers une croissance mythique y fait place à la recherche permanente dun optimum, respectueux de lhomme et des grands équilibres écologiques. Pour une démocratie économique, Takis Fotopoulos Il nous paraît clair que le double objectif visé (satisfaction des besoins essentiels et garanti de la liberté de choix individuelle) présuppose une synthèse du collectif et de lindividuel dans le domaine de la prise de décisions. Cest ce que nous proposons par une combinaison de planification démocratique et du système de bons de consommation. Même si nous devions accéder un jour à létat mythique dabondance, la question du choix dans des domaines tels que lécologie, la production, etc. continuerait de se poser. Dans la mesure où elle suppose un état dabondance matérielle « objective », la référence anarcho-communiste à une économie du don et de lusufruit se rattache à la mythologie du paradis communiste. Raison de plus pour proposer un modèle réaliste qui veut expérimenter, ici et maintenant, une pratique réelle de la liberté sans attendre lavènement dune mythique société dabondance. Une proposition libertaire : léconomie participative, Normand Baillargeon Lambition de ce modèle est la suivante : « Nous cherchons à définir une économie qui distribue de manière équitable les obligations et les bénéfices du travail social ; qui assure limplication des membres dans les prises de décision à proportion des effets que ces décisions ont sur eux ; qui développe le potentiel humain pour la créativité, la coopération et lempathie ; et qui utilise de manière efficiente les ressources humaines et naturelles dans ce monde que nous habitons un monde écologique où se croisent de complexes réseaux deffets privés et publics. En un mot : nous souhaitons une économie équitable et efficiente qui promeuve lautogestion, la solidarité et la variété ». FICTIONS & DICTIONS Le couple, Ylljet Alicka (traduit de lalbanais par lauteur) Le vieux mangeait peu et buvait de leau-de-vie en sappliquant à garder son regard fier. De temps en temps, il écoutait dun air intéressé la discussion passionnée dun jeune homme, plutôt élégant, qui donnait aux invités, avec un vocabulaire choisi, des explications particulièrement convaincantes sur lutilité des analyses sociales dans linterprétation des actes criminels de la société contemporaine. Tout en développant son argumentation, il faisait des moulinets avec ses mains blanches, si fines,aux ongles roses. (Notre vieil homme se disait quil fallait en avoir du temps à perdre pour soccuper comme ça de ses mains.) Furoncle, Jérémy Beschon Vous devriez réclamer le furoncle plutôt que discuter, lire, voter, manifester. Le furoncle et pas de travail, pas rangés, pas soumis, pas ternis. Le furoncle et plus de philo, plus de psycho, plus de conscience, à lanus, de retour à lanus. La douleur gène pour pérorer, pour perroquer juste. Vous pourriez encore clamer debout, mais la contagion est lancée, votre tête bubon ne répond plus. Vous ne pouvez plus pervertir la langue, lui soutirer des définitions. Vous ne pouvez plus la polir ou la crotter dhistoire. Sans ça les étages dégringolent, les rouages se déglinguent et rien à recommencer. Une masse honnête. Proclamation & Lhumain (poèmes), Ingela Strandberg (Traduit du suédois par Virginie Büschel) Il y avait toujours même sous le plus éclatant des soleils un point noir qui se déplaçait de la tête au sexe et parfois se coinçait dans la gorge. Comme la peur de pénétrer dans la maison la nuit quand papa était seul à lintérieur et lenfant savait que le mot neurasthénique signifiait : il sera peut-être raide mort dans lentrée quand tu ouvriras la porte. MARGINALIA Les États-Unis, les droits de lhomme et le « défi relativiste », Noam Chomsky (Traduit de langlais par Frédéric Cotton)
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