Description
Summary:Bemerkungen: [] = Absatzmarken im Volltext des Originals; LES CHAUFFEURS DE TAXI VOUS PARLENT [] Paris, le 22 mai 1968. [] Chambre Syndicale C.G.T. de Cochers-Chauffeurs [] Chambre Syndicale des Artisans du Taxi [] Syndicat de l'Industrie du Taxi C.F.T.C [] Syndicat Force Ouvrière des Conducteurs de Taxi de la Règion Parisienne [] Madame, Monsieur, Cher Client, [] VOUS êtes un utilisateur habituel ou occasionnel du Taxi, il vous arrive parfois, vous heurtant à quelques difficultés, de vous irriter, et vous nous en rendez peut-etre involontairement responsables. [] Nous qui avons choisi le métier de vous conduire de notre mieux, et y avons intéret, ne pouvons répondre à vos besoins qu'en fonction des possibilités qui nous sont offertes. [] La presse, la radio et la télévision publient deséchos, reportages ou consacrent des émissions sur les chauffeurs de Taxi, les propos tenus sur le même thème lors des conférences de presse des Préfets de Paris et de Police, sont largement reproduits. [] L'objectivité n'étant pas toujours la qualité dominante de certains articles et émissions, il nous est apparu nécessaire de vous apporter quelques explications sur une profession bien spectaculaire, mais dont le travail est néanmoins méconnu. [] Ne tenant aucun compte des réalités de l'exercice d'un dur métier, un Comité institué en novembre 1959 par un décret gouvernemental et présidé par MM. RUEFF et ARMAND, publiait un rapport dirigé contre diverses professions concluant, pour ce qui nous concerne, au caractère désuet de la réglementation régissant notre industrie. [] Le but étant de nous faire supporter la responsabilité de la dégradation de la circulation, seule cause des difficultés dont vous et nous sommes victimes. [] Huit ans aprés, alors que les encombrements se sont aggravés, la circulation dans la Région Parisienne va à l'asphyxie sans qu'aucune mesure au niveau des besoins ne soit prise. La même diversion est entreprise contre notre corporation qui sert de bouc émissaire derrière lequel les pouvoirs publics responsables tentent de se camoufler pour masquer leur carence et leur incurie en matière de circulation et de transports publics. [] LA CIRCULATION [] L'accroissement ininterrompu du nombre des voitures en circulation réduit proportionnellement leur vitesse de rotation, et le taxi ne peut echapper à cette règle. [] Les véhicules immatriculés sont de 50 % plus nombreux en quelques années alors que, dans le même temps, la surface des voies devant les absorber n'a progressé que d'un tres faible pourcentage. [] Le cocher de fiacre de nos grands-parents allait plus vite que le conducteur d'une voiture pouvant rouler à 100km/h, mais dont la moyenne horaire ne dépasse pas 5km à certaines heures. [] Les conséquences en sont claires: [] Alors qu'il nous faut actuellement 30 à 40 minutes notamment entre 18 et 20 heures, pour effectuer un parcours determiné, il est evident qu'avec une circulation reiativement fluide, nous mettrions deux a trois fois moins de temps. A titre de comparaison, en 1939, la moyenne des courses journalières etait de 32, elle n'est plus aujourd'hui que de 18. [] Tenant compte des périodes d'attente en stationnement, c'est donc au moins deux fois, voire, aux heures d'encombrement, trois fois plus de clients que chacun des 14.300 taxis (800 ont été mis en circulation depuis novembre 1967) pourraient transporter journellement. L'offre dépasserait la demande, la clientèle serait mieux servie et ceci à moindre prix, puisque les temps d'arret consécutifs aux embouteillages s'inscrivent au compteur. [] Le nombre des taxis n'est pas en cause. A Paris, il y a 1 taxi pour 360 habitants, à New York 1 pour 677, à Geneve 1 pour 926, a Londres 1 pour 1350, à Bruxelles 1 pour 1562. [] LES STATIONNEMENTS [] La fonction du taxi ne se limite pas à conduire un client d'un point à un autre. Entre le temps ou vous allez descendre de voiture et celui ou une autre personne prendra votre place, le chauffeur doit se tenir à la disposition de la clientele dans un st'ationnement réservé à cet effet. [] Or ces dernières années, le nombre et la capacité de nos stations ont été considérablement réduits. [] A titre d'exemple, le stationnement axial (encore en vigueur sur les Champs-Elysées), qui existait antérieurement sur les grands boulevards entre les places de la République et de la Concorde, [consti]tuait une réserve importante ou les conducteurs pouvaient se mettre à votre service, notamment à la période de pointe du soir. [] Aujourd'hui, ne trouvant aucune place, les taxis, y compris ceux qui déposent un voyageur dans le centre de 17 à 18 heures sont contraints de s'éloigner du dit centre, parcourant des kilomètres improductifs et augmentant le flot de la circulation, tandis que les taxis dont les stationnements sont réduits tels une peau de chagrin sont pris au moment de la sortie générale et que, ne pouvant y revenir, la clientèle s'impatiente et s'irrite. [] DIX HEURES PAR JOUR [] Conduire une ou plusieurs personnes d'un point a un autre est apparemment fort simple, mais vous pourrez juger a la lecture de ces quelques lignes, qu'il en est tout autrement lorsqu'il s'agit de le faire au volant d'un taxi. [] Pendant dix heures, les poumons remplis des gaz nocifs rejetés par les milliers de voitures qui l'environnent le conducteur de taxi doit se frayer un passage dans le carrousel infernal qu'est la circulation parisienne, eviter les multiples embûches qui se dressent a droite, a gauche, devant, derrière, guetter les feux de signalisation, les gestes de l'agent, freiner dix, vingt, cent fois, stopper, repartir, doubler, enfin vous conduire à destination aussi rapidement qu'il le peut et avec le souci constant, le souci majeur de votre sécurité. [] Nous ne nous appesantirons pas sur l'extrême tension nerveuse et la fatigue physique ressentie après la journée de travail, mais davantage sur leur cause dont vous êtes également victime à plus d'un titre. [] INCROYABLE MAIS VRAI ! [] Mais savez-vous à ce sujet combien les employeurs payent actuellement le salaire fixe à leurs chauffeurs ? UN FRANC POUR DIX HEURES DE TRAVAIL, malgré les risques et responsabilités que ce métier comporte ! [] Vous avez bien lu: 100 francs anciens, soit 10 centimes de l'heure. Le veritable salaire dépend totalement de la recette dont 25 % reviennent aux chauffeurs avec le pourboire que vous lui offrez. [] Si l'on ajoute qu'ils n'ont qu'un dimanche sur sept à passer en famille, et jamais de fêtes légales, vous comprendrez combien sont légitimes les revendications des chauffeurs de taxi quand ils réclament un salaire journalier garanti égal à 8 fois le taux horaire du S.M.I.G., la journée de huit heures, deux jours de repos apres 6 jours de travail. [] De plus, le gouvernement s'attaque directement à ceux d'entre nous qui possèdent leur outil de travall, les « petits propriétaires », et prétend leur imposer les mêmes charges fiscales que les grandes Compagnies comme la G.7 par exemple, qui possède plus de deux mille taxis. Les « souci » du gouvernement se traduit en cette affaire dans la volonté d'élimination des travailleurs indépendants au profit des grands trusts. [] VOTRE MÉCONTENTEMENT ET NOS DIFFICULTÉS ONT UNE SOURCE COMMUNE: [] L'incapacité des pouvoirs publics à resoudre une situation prévisible devant le developpement constant du parc automobile depuis plus de vingt années. [] C'est pour vous tromper que le gouvernement tente de masquer cette imprévoyance coupable en accusant les chauffeurs de taxi de tous les maux et en attaquant violemment leurs conditions de vie et de travail. [] VOTRE SECURITE EST EN DANGER ! [] Au lieu de prendre les dispositions indispensables pour permettre aux transports publics d'assurer normalement leur fonction, les Préfets considérant que 10 heures de travail dans le carrousel infernal de la circulation ne suffisent pas, ont pris des mesures paur briser la réglementation qui protège notre corporation et vos intérets. [] Par l'instauration de la coupure de la journée de travail, ou la possibilité de faire effectuer deux sorties par voiture chaque jour, c'est entrainer le retour aux Journées de l2, 14, voire 16 heures de travail, au mépris de notre santé, notre sécurité, la votre et celle du public. [] Poursuivant la destruction de la réglementation, par une récente communication au Conseil de Paris, il est préconisé la suppression des épreuves pratiques et théoriques de l'examen pour l'obtention du diplôme de chauffeur de taxi. [] Ainsi, il ne serait plus demandé aux candidats à la conduite et au transport de la population les aptitudes professionnelles minimum indispensables, ce qui mettrait la sécurité des passagers et du public en danger, ni la connaissance des rues et itineraires, ce qui provoquerait inevitablement des incidents entre les conducteurs, les vogageurs et la police. [] Il n'est pas pensable de laisser les pouvoirs publics se livrer à de telles atteintes aux intérêts légitimes de la corporation et du public. [] QUE FAIRE ? [] Bien qu'appartenant au secteur privé, l'industrie du taxi est tenue d'assurer un « service public ». Il serait normal de lui faciliter la tâche en lui accordant notamment: [] - Un plan cohérent des transports publics. [] - Une meilleure rotation de ses voitures par l'amélioration de la circulation, et une large autonomie de déplacement par le rétablissement d'une détaxe du carburant (les taxis, comme tous les autres automobilistes, payent 72 A.F. d'impôt sur chaque litre d'essence). [] - Le rétablissement du nombre et de la capacité des stationnements réservés aux taxis et pour lesquels ils acquittent une taxe. [] - L'extension du réseau des bornes d'appel téléphonique des taxis pouvant être relié à un central unique a instituer et que refuse le pouvoir sous pretexte d'absence de moyens flnanciers. [] Voilá, chers clients, ce que les journaux et la radio ne vous ont pas dit. Leurs regrettables omissions ne peuvent qu'aider le gouvernement dans ses funestes projets contre une profession dont les intérêts sont étroitement liés aux votres. [] Vous comprendrez pourquoi la corporation est contrainte à divers mouvements de grève. Nous nous excusons de la gêne que nous avons pu vous causer, éventuellement de celle que nous vous causerons à l'avenir et dont la responsabilité incombe aux pouvoirs publics. [] Nous vous remercions vivement de l'intérêt que vous avez bien voulu nous porter en prenant connaissance de ces longues, mais indispensables explications.
Published:05.1968