Les femmes et l'organisation syndicale avant 1914 :présentation et commentaires de documents pour une étude du syndicalisme féminin

"A la veille de 1914 (1911), la main-d'œuvre féminine représente 36.7 % de la population active, mais seulement 9,8 % des effectifs syndicaux : le problème de Madeleine Guilbert tient tout entier dans la comparaison de ces deux données. Pour mener à bien son étude, elle a eu recours à deux...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Guilbert, Madeleine
Institution:ETUI-European Trade Union Institute
Format: TEXT
Language:French
Published: Paris 1966
Editions du Centre national de la recherche scientifique
Subjects:
Online Access:https://www.labourline.org/KENTIKA-19105616124919238989-Les-femmes-et-l-organisation-s.htm
Description
Summary:"A la veille de 1914 (1911), la main-d'œuvre féminine représente 36.7 % de la population active, mais seulement 9,8 % des effectifs syndicaux : le problème de Madeleine Guilbert tient tout entier dans la comparaison de ces deux données. Pour mener à bien son étude, elle a eu recours à deux grandes catégories de documents : les comptes rendus des congrès syndicaux à l'échelon fédéral et confédéral; la presse ouvrière nationale : grands organes syndicaux, socialistes, et anarchistes, à l'exclusion des journaux des fédérations, et des Bourses du Travail : on peut regretter l'absence de ces dernières car l'étude des problèmes féminins au niveau de la Bourse du Travail, c'est-à-dire de la ville, aurait permis non seulement de confirmer ou d'infirmer les conclusions, mais encore d'en apprendre un peu plus, au-delà des proclamations de principe, sur le comportement réel des ouvrières et aussi des ouvriers... Telle quelle, l'enquête a été considérable : quant aux résultats, ils sont maigres. Dans ces conditions, on aurait pu alléger le livre des nombreux « états néant » auxquels a abouti une partie des recherches. Le scrupule des chercheurs universitaires, qui les conduit de plus en plus à publier presque intégralement leurs fiches, nuit aux exigences de la composition et du raisonnement, et creuse inutilement le fossé avec le public. Or il est souhaitable que le public — je pense notamment aux milieux syndicalistes — prenne connaissance du livre de Madeleine Guilbert. Car il est bien entendu que c'est cette maigreur des résultats qui en fait un des principaux intérêts. Dans l'ensemble, l'indifférence des travailleurs à l'égard du syndicalisme n'a d'égale que leur indifférence à l'égard de l'émancipation féminine. Mieux : les témoignages abondent de l'hostilité des ouvriers à l'égard de cette émancipation. Quand il s'agit de la femme et du foyer, plus d'un de ces révolutionnaires farouches, qui rêvent de renverser la société jusqu'en ces fondements culturels, étale sans scrupule sa mentalité petite bourgeoise. Certes il y a d'honorables exceptions : la Voix du Peuple, la Bataille syndicaliste et surtout la Vie ouvrière soulignent que le progrès de la condition féminine passe par la voie professionnelle, et un Georges Yvetot, qui se montre ici continuateur de Pelloutier, n'a jamais cessé d'attacher la plus grande importance à la question; mais c'est dans ses profondeurs que le prolétariat se révèle résolument attaché à l'idéal proudhonien de la femme au foyer et hostile aux mouvements d'émancipation féminine qui se développent aussi bien dans certains milieux bourgeois que chez les anarchistes. Certes, à cette attitude, il y a bien des prétextes et même des raisons; il est vrai en particulier que la main-d'œuvre féminine, dont pendant toute la période le salaire moyen ne dépasse guère la moitié du salaire masculin constitue une concurrence de plus en plus sérieuse au fur et à mesure que le machinisme rend accessible à la femme des métiers autrefois réservés à l'homme. H est non moins certain que cette concurrence constitue souvent un obstacle à l'élévation des salaires et même à leur simple défense. Mais il faut en 1912 le scandale Emma Couriau, cette « typote » lyonnaise qui se voit refuser l'accès au syndicat, bien que payée au tarif syndical, pour révéler publiquement combien une bonne raison peut en cacher de mauvaises. Dans les années qui précèdent immédiatement la guerre, grâce à l'action des militants de l'enseignement comme Marie Guillot, une certaine évolution se dessine. Reste que si les femmes au travail ne sont guère aidées par leurs camarades mâles, elles ne s'aident guère elles-mêmes; elles paraissent accepter passivement la situation qui leur est faite. A l'intérieur même de l'action syndicale, elles se spécialisent dans les problèmes qui leur sont propres, et ne s'aventurent guère sur les questions générales comme ces syndicalistes à part entière que sont les hommes. Là même où elles sont majoritaires, dans l'industrie textile par exemple, leur rôle est insignifiant. Madeleine Guilbert, qui souligne le fait tout au long de son ouvrage, n'a pas tenté de l'expliquer : il est vrai qu'une tentative d'explication l'aurait conduite bien au-delà du syndicalisme et même du mouvement ouvrier. Le grand mérite d'une pareille étude est de montrer comment le prolétariat qui prétendait camper à l'intérieur de la société bourgeoise, y était déjà solidement installé "
Physical Description:506 p.
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