Luttes étudiantes, luttes ouvrières

Bemerkungen: [] = Absatzmarken im Volltext des Originals; Luttes étudiantes, luttes ouvrières [] I. LE ROLE HISTORIQUE DU PROLETARIAT [] En France, le mouvement étudiant a fait preuve d'une maturité politique probablement supérieure à celle des mouvements italiens et allemands. Sa confrontation...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Jeunesse Communiste Révolutionnaire
Institution:Archiv der sozialen Demokratie (AdsD)
Format: IMAGE
Language:French
Published: 05.1968
Subjects:
Online Access:http://hdl.handle.net/11088/9A805FF9-7AB0-479E-8634-19FA6134A93A
Description
Summary:Bemerkungen: [] = Absatzmarken im Volltext des Originals; Luttes étudiantes, luttes ouvrières [] I. LE ROLE HISTORIQUE DU PROLETARIAT [] En France, le mouvement étudiant a fait preuve d'une maturité politique probablement supérieure à celle des mouvements italiens et allemands. Sa confrontation à un mouvement ouvrier profondément enraciné et fortement structuré contribue à l'expliquer. Ici, contrairement aux allégations du Nouvel-Observateur, l'idéologie marcusienne ne joue qu'un rôle très secondaire; les militants d'avant-garde reconnaissent quasi-unanimement le rôle historique de la classe ouvrière tel que l'analyse la théorie marxiste. [] Mais aujourd'hui cette compréhension dépasse largement le cercle restreint des militants politiques. Les masses étudiantes, au travers de leur expérience concrète, ont exploré les limites et l'horizon de leur action. Lors de la grève revendicative de Nanterre, ils ont compris que leurs volontés ne pouvaient être satisfaites quant au fond que si elles étaient reprises en charge par un puissant allié. Lors des combats de rue et des barricades, elles ont découvert que leur lutte contre l'état bourgeois et ses forces de répression ne pouvaient être menées à bien que si une force politique capable de résoudre l'ensemble des contradictions capitalistes venait les relayer. Désormais, le rôle historique du prolétariat n'est plus une simple abstraction conceptuelle mais une nécessité pratiquement éprouvée. [] Pour opérer cette jonction nécessaire entre luttes étudiantes et luttes ouvrières, il existe une solution historiquement éprouvée: c'est le regroupement un sein d'un parti révolutionnaire des militants d'avant-garde sans distinction d'origine sociale: dans un tel parti "doit s'effacer toute distinction entre ouvriers et intellectuels" (Lénine). Et la plupart des étudiants qui animent les luttes s'accordent à dire que leur place serait dans un tel parti s'il existait. [] Mais aujourd'hui, alors que les grands partis ouvriers n'ont plus rien de dévolutionnaire, doit-on se contenter d'attendre que la "base" saine par définition se débarrasse des pontes et bureaucrates, et dans l'attente former à froid des théoriciens d'élite armés pour le grand jour qui ne luttent pas? Nombre de groupes; groupuscules et particules se sont usés les dente sur ce problème. [] II. LES PARASITES ET LES SERVILES [] L'originalité du mouvement actuel réside en, ce qu'il tend à résoudre concrètement ce problème jadis insurmontable. Pour sortir de l'ornière, les militants d'avant-garde ont dû rejeter comme inopérantes plusieurs attitudes assumées par tel ou tel groupe: [] 1) Le parasitisme politique [] En l'absence de luttes de masse, une organisation étudiante, le CLER (aujourd'hui mué qualitativement - dans le sens d'une régression et non d'un progrès - en FER) s'était spécialisé dans le gadget politique présenté sous forme de motions et d'objectifs. Il s'agissait en gros d'adresser aux organisations syndicales et politiques, "objectivement traitresses aux intérêts de la classe", des mises en demeure verbales "Etes-vous pour les "comités de grève"?, pour "la manifestation centrale", pour les "3.500 jeunes à la Mutualité", etc. ? [] Et si la réponse (souvent prévisible) était non, on dénonçait les bureaucrates. Sur la base de ces dénonciations successives, il est toujours possible de recruter quelque élément mécontent ou aigri, c'est-à-dire de se nourrir des queues et reliquats des luttes d'autrui. (Ce qui explique peut-être la médiocrité du recrutement du CLER). C'est ce qui s'appelle du parasitisme politique : gonfler sa baudruche par un processus de dénonciation, escalade qui ne peut exister que par rapport à autrui, au détriment de l'initiative politique propre. [] Mais il ne s'agit là que d'un mouvement décadent, dont la survie était liée à la stagnation des luttes. Dès que l'histoire se met en marche ces éléments en descendent et s'éloignent. C'est ainsi que symboliquement, ils ont quitté les barricades jugées par eux criminelles et aventuristes. [] Autrement intéressant pour nous est le raisonnement ratifié par la formule: [] 2 "Servir le peuple" [] Puisqu'ils s'agit-là de gens qui se réclament, à grande renforts de parenthèses, du marxisme-léninisme, nous en référerons sans dogmatisme à Lénine.' La référence n'est pas ici un simple procédé scholastique, elle est justifiée par la situation même. Dans les années 1898-1902, il n'existe pas en Russie de parti révolutionnaire. En luttant contre divers courante du mouvement ouvrier, Lénine travaille à sa construction. Et alors aussi florissaient les groupuscules avec leurs variantes réformistes, populistes, économistes. Il n'est pas étonnant aujourd'hui, étant donné la social-démocratisation politique et organisationnelle du PC, de voir resurgir toute une gamme diversifiée de groupes qui parfois répètent à quelques variantes près, les événements d'antan. [] Il faut, disent nos camarades M.L, se mettre au service du peuple, se placer sous l'autorité des travailleurs, faute de quoi le mouvement étudiant est réactionnaire. Mais qui détermine l'autorité des travailleurs ? Ce ne sont pas, et tout le monde se réconcilie sur ce point, leurs organisations (r) (lisez révisionnistes). Alors ce serait le problème individuel qu'on rencontre dans les files de chômage ou à la sortie de l'usine. [] Pour un léninisme bien compris, sinon bien compilé, une telle attitude relève de la monstruosité. Il y est reconnu que l'ouvrier atomisé, isolé, n'est pas le porteur de la conscience de classe, il est tout au plus le porte-parole des intérêts limités, parcellaires, corporatistes, de telle fraction particulière du prolétariat. La conscience de classe n'est pas quelque chose de spontané et d'immanent au prolétariat; elle ne peut lui venir que "du dehors ...". "L'histoire de tous les pays atteste que par elle-même la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste (...) Et la politique trade-unioniste est la politique bourgeoise de la classe ouvrière". (Lénine). [] Tous ceux qui se figurent que le mouvement ouvrier est capable par lui-même d'élaborer une idéologie indépendante, à condition que les ouvriers arrachent leur sort des mains des dirigeants, sont dans l'erreur affirme également Lénine. Car le socialisme et la lutte des classes surgissent d'abord parallèlement et ne s'engendrent pas l'un l'autre. La conscience socialiste ne peut surgir que sur la base d'une profonde connaissance scientifique de l'ensemble de la société. "Or le porteur de la science n'est pas le prolétariat mais les Intellectuels bourgeois". (Lénine reprenant Kautsky). Le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit seulement à le subordonner à l'idéologie bourgeoise; "le trade-unionisme, c'est l'asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie." [] De façon très condensée, Lénine dès avant "Que faire ?", dès les trois articles à la Rabotchaîa Gazeta, détenait la réponse de fond: [] "Qu'est-ce que la lutte de classe ? Lorsque les ouvriers affrontent leurs patrons ce n'est qu'un faible embryon. La lutte des ouvriers ne devient lutte de classe que lorsque tous les représentants d'avant-garde de l'ensemble de la classe ouvrière ont conscience de former une seule et même classe et commencent à agir non pas contre tel ou tel patron, mais contre la classe des capitalistes toute entière et contre le gouvernement qui la soutient. "Toute lutte de classe est une lutte politique". On aurait tort de comprendre ces paroles célèbres de Marx en ce sens que toute action des ouvriers contre les patrons est toujours une lutte politique. Il faut les comprendre ainsi: la lutte des ouvriers contre les capitalistes devient nécessairement une action politique dans la mesure où elle devient une lutte dé classe". [] Affirmer simplement aujourd'hui que la tâche des étudiants progressistes est de se mettre au service des travailleurs, c'est faire preuve d'une incompréhension totale du rôle historique et conjoncturel du mouvement étudiant. Déjà en 1902 des gens étaient apparue qui, disait Lénine "se mettaient à genoux pour contempler religieusement le postérieur du prolétariat russe." Gageons que nos mandarins en mal de prolétaires, ne trouveront pas, après 40 ans de stalinisme, le postérieur du prolétariat français plus reluisant que celui de son homologue slave. [] Se contenter d'annoncer que le prolétariat est seul résolu à mener la lutte jusqu'au bout, c'est se contenter d'une abstraction théorique là où nous avons un problème politique concret à résoudre, c'est prendre la politique pour un simple reflet de l'économie, c'est encore une fois ravaler le marxisme au rang d'un économisme vulgaire. De même qu'il était stupide de se mettre au service des Vietnamiens parce que les Vietnamiens ne peuvent juger à notre place des possibilités d'action qui sont les nôtres, de même il aurait été criminel pour les avant-gardes de mettre les étudiante au service des travailleurs au lieu d'utiliser le mouvement étudiant comme un révélateur politique pour la société dans son ensemble. [] "A l'époque de l'impérialisme, dans tous les domaines de la vie sociale, on voit s'accumuler des matières inflammables et se créer de nombreuses causes de conflit, de crise et d'aggravation de la lutte des classes. Nous ne savons pas, nous ne pouvons savoir - dans cette masse d'étincelles qui jaillissent maintenant de partout - quelle étincelle, pourra allumer l'incendie d'ans le sens d'un éveil particulier des masses. Aussi devons-nous mettre en action les principes communistes pour préparer tous les terrains, même les plus anciens, les plus amorphes, les plus stériles en apparence, sinon nous ne serons pas à la hauteur de noter tâche, nous serons exclusifs, nous ne prendrons pas possession de toutes les armes". [] III. DE LA THEORIE A LA PRATIQUE [] Précisément, alors que le mouvement ouvrier se place sur le terrain choisi par le gaullisme en faisant de la classe ouvrière une simple force de contestation, en transformant les manifestations en simples démonstrations, le mouvement étudiant, par sa lutte déterminée, parce qu'il a rejeté les méthodes des partis traditionnels, a mis le gouvernement et la gauche au pied du mur, non plus verbalement, mais réellement, dans la rue et aux yeux de tous. En se mobilisant de façon indépendante, au risque de se couper de "la classe", il a suscité les lieux de jonction réels: par les manifestations de rue, par les barricades, par l'occupation des facultés où sont venue lutter et discuter des travailleurs de plus en plus nombreux. Ce n'est donc ni avec l'appareil ni avec des Individus Isolée que s'est opérée la jonction avec la classe ouvrière, mais au travers de l'action, avec les militants d'avant-garde de la classe ouvrière. [] C'est pourquoi pour nous la grande manifestation du 13 mai est un succès. Quiconque avait encore des illusions sur les appareils politiques et syndicaux peut-être déçu, mais quiconque n'avait pas d'illusions doit être satisfait. En imposant au gouvernement, par un affrontement de rue, une première défaite importante, nous avons contraint les syndicats à organiser la mobilisation qu'ils n'avaient pas voulu ou pas su organiser contre les ordonnances. "Ça bouge"; et c'est ce qui importe. Le million de travailleurs qui a défilé le 13 mai, même s'il est rentré au bercail, ne s'est pas déplacé pour rien. Il a pris conscience de sa force, il a marqué sa volonté de s'exprimer, il ne considère plus les étudiants comme des gauchistes enragés. Voilà l'acquis. [] A présent, en poursuivant son action le mouvement étudiant peut accélérer la crise du régime et des partis de gauche. Maintenant, nous ne nous battons plus sur des problèmes limités au domaine universitaire, mais pour la démission de Fouchet et Grimaud, c'est-à-dire contre l'Etat gaulliste lui-même. A long terme, cette lutte ouvre deux issues possibles qu'il faut dès à présent avoir à l'esprit: [] 1) ou bien une fascisation du régime dont nous avons entrevu ces dernières semaines quelques prémisses. Et le danger est considérable. Dans un contexte économique difficile, l'éventualité doit être envisagée avec d'autant plus de sérieux "que les forces démocratiques" n'offrent en contre-partie aucune garantie politique réelle. [] 2) ou bien l'accession au pouvoir de la gauche unie. Mais alors la troika Waldeck-Mollet-Mitterand ne viendra pas au pouvoir au terme d'une simple opération parlementaire, mais sur la base d'une réelle mobilisation de masse. Un régime à vocation wilsonienne, parvenue au pouvoir dans ces conditions, ne pourrait, à terme, qu'accroître la désaffection à son égard des militants ouvriers. Alors pourront se dégager beaucoup plus nettement divers éléments constitutifs d'un parti révolutionnaire (courant d'opposition dans le PC, les syndicats ouvriers et enseignants, regroupements adultes, organisations de jeunes). [] Voilà les résultats et les perspectives offertes par des luttes étudiantes qui, dirigées par des militants d'avant-garde, et conçues sur un mode non boutiquier, ont déverrouillé, débloqué la situation politique. Désormais la jonction militante et non pas carriériste ou parasitaire, avec les luttes ouvrières devient possible. [] N.B. - Toutes les citations de Lénine sont tirées des "Trois articles à la Rabotchaia Gazeta", de 'Que faire?" et de "La maladie infantile". Elles sont livrées sans référence de page pour inciter les amateurs de petits livres à lire les textes intégraux. [] JEUNESSE [] COMMUNISTE [] REVOLUTIONNAIRE [] JCR [] AVANT-GARDEJEUNESSE [] Directeur de publication: Gérard Verbizier [] Supplément au N° 12 [] 18 Mai 1968 [] Toute correspondance AVANT-GARDE JEUNESSE - B.P. 39-16 Paris [] Abonnements 12 numéros: Pli ouvert : France, 11 F; Etranger, 15 F; Pli fermé : France, 19 F ; Etranger, 25 F; Soutien, minimum, 20 F
Published:05.1968