Art, raison & subversion

Sommaire Éditorial. Héritage du surréalisme & de la théorie critique, Dietrich Hoss & Norbert Bandier Théorie critique & pratique surréelle, Elizabeth Lenk (Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses) N’attendez pas de moi que j’évoque avec nostalgie la beauté du surréalisme ou la force...

Full description

Bibliographic Details
Institution:CEDIAS-Musée social
Format: TEXT
Published: Agone Editeur (Marseille)
Subjects:
Online Access:http://hdl.handle.net/11160/8F384A14-30BC-4DF6-8DB1-29F263EAA064
Description
Summary:Sommaire Éditorial. Héritage du surréalisme & de la théorie critique, Dietrich Hoss & Norbert Bandier Théorie critique & pratique surréelle, Elizabeth Lenk (Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses) N’attendez pas de moi que j’évoque avec nostalgie la beauté du surréalisme ou la force révolutionnaire de l’école de Francfort. Je voudrais au contraire poser la question de leur actualité : me demander ce que valent encore ces deux mouvements que l’on dit morts. Peut-on utiliser les modèles qu’ils ont établis pour éclairer les événements présents qui semblent se télescoper ? Écriture & action chez les surréalistes & chez Walter Benjamin, Norbert Bandier La trajectoire sociale de Benjamin puis la comparaison entre les caractéristiques de la position occupée par le groupe surréaliste et celle de Benjamin dans l’espace littéraire permettent d’avancer des hypothèses pour expliquer la « réserve » manifestée par l’écrivain à l’égard de ce mouvement. En dépit d’une passion commune pour les potentialités poétiques de la ville et malgré la fascination que Walter Benjamin éprouve pour l’écriture surréaliste, c’est sans doute une « réserve » face à l’action qu’elle implique qui le tiendra à distance d’une participation directe. Affinités & inspiration surréalistes chez Walter Benjamin, Gérard Roche Une relecture des écrits de Benjamin confrontée aux œuvres surréalistes nous a conduit à remettre en question leur incompatibilité présumée. Existent en effet des affinités évidentes : une volonté commune de se réapproprier les pouvoirs poétiques de l’homme et du langage, un même désir de réconciliation dialectique du rêve et de l’action. Si les points de vue ne coïncident pas toujours (une approche différente du marxisme, entre autres), ils partagent néanmoins une même conception radicale de la liberté. Benjamin et Breton finiront ainsi par en reconnaître l’incarnation dans la vision poétique et sociale de Charles Fourier. Pourquoi Adorno a changé d’avis sur le surréalisme après 1945, Heinz Steinert L’avènement du fascisme provoqua l’ambivalence d’Adorno face à un processus artistique où l’individu est présenté comme anéanti et impossible, comme « effacé ».Dès lors, les apparences de libération ne servent, selon lui, qu’à physiquement procéder à une liquidation camouflant une incapacité à s’identifier avec le collectif. Dans la plupart des cas, les productions critiques de ce type s’exposent au malentendu de l’esprit de consommation et confortent l’idéologie communautaire. Ce qu’Adorno entendait par surréalisme n’aurait pas seulement « perdu sa force » mais, contenant des potentialités autoritaires, également contribué au développement du fascisme. Le parcours de deux courants intellectuels voisins, Dietrich Hoss En France, pendant les événements de mai 1968, se produisit une redécouverte du surréalisme, qui redevint – comme pour la théorie critique en Allemagne, mais dans une moindre mesure – une source d’inspiration du mouvement étudiant. À la différence des théoriciens de Francfort mais comme Marcuse, le groupe surréaliste de Paris se rangea avec enthousiasme et de manière inconditionnelle aux côtés des étudiants : de nouveau apparaissait la possibilité de concilier la théorie et la pratique, l’art et la vie. Benjamin & l’engagement intellectuel, Michael Einfalt Il faut considérer l’essai de Benjamin, De l’orientation sociale des écrivains français contemporains, comme une intervention active dans le débat sur le devoir de l’intellectuel, destiné à dépasser la situation des seuls écrivains français, pour proposer un type d’engagement convenant aux intellectuels allemands. Le choix de Gide comme intellectuel exemplaire résulte sans doute du fait que, le 21 mars 1933, le rassemblement des intellectuels à Paris se transforma en une vigoureuse manifestation contre la terreur nazie en Allemagne, grâce, notamment, au discours prononcé à cette occasion par André Gide, qui, de ce fait, incarna le grand écrivain marchant avec les communistes contre le fascisme. Une radicalité discrète. Des difficultés de l’art après Auschwitz, Rolf Wiggershaus La normalisation linguistique et l’adaptation du processus d’élimination massive d’êtres humains aux méthodes modernes de l’industrie et de l’administration firent de la Shoah un événement « idéalement » privé de témoins… Comment expliquer que les victimes ou les survivants ne furent pas en mesure de témoigner ? Les survivants qui tentèrent de raconter ce qu’ils avaient vécu firent l’expérience que personne ne voulait les entendre. Ils préférèrent alors se réfugier dans le silence… Ce mutisme renforça le sentiment que la Shoah était impossible à exprimer et à communiquer et permit ainsi au processus d’extermination de poursuivre son œuvre. Sur l’image surréaliste & dialectique, Rita Bischof Ayant appris par l’écriture automatique que l’image précède toujours la réflexion, Breton développa sa propre théorie de l’image, soumettant à une clarification fondamentale la forme de relation qui existe entre l’image et l’esprit. Le rapprochement des deux réalités étrangères se produit ou ne se produit pas, mais il est impossible de le provoquer par le biais de la volonté. L’esprit ne cherche pas l’image, c’est l’image qui le contamine ; elle s’impose à lui. Cette rencontre merveilleuse qui se produit dans l’image est toujours le résultat d’un processus que Breton qualifie de surréaliste parce que « la raison se limite toujours à constater et à honorer ce phénomène lumineux. » Nostalgie & individualisme. De l’ambiguïté dans l’étude des mouvements du passé, Lothar Baier Nous disposons de bon nombre de raisons pour regarder avec une distance sceptique les mouvements d’avant-garde comme le surréalisme. Plus les matériaux sont disponibles, plus le contraste apparaît entre l’existence et le mythe du « groupe ». Derrière la façade de la collectivité solidaire et égalitaire se dessine un scénario bien connu : hiérarchies dissimulées et luttes pour le pouvoir, diffamations réciproques, jalousies et conflits entretenant la confusion entre la « cause » et des querelles d’ordre personnel. Sur ce plan-là surréalisme et théorie critique ont beaucoup de choses en commun, malgré les profondes différences entre les programmes intellectuels et les contextes nationaux respectifs. FICTIONS & DICTIONS Arion, maître des steppes & des défilés, ou Les difficultés d’une métamorphose, Borislav Pekic (Traduit du serbo-croate par Mireille Robin) Son père avait des crises de somnambulisme. On l’avait trouvé, dans la nuit éclairée par la pleine lune, en train de caracoler à quatre pattes autour du puits comme un poulain autour de l’abreuvoir et on avait dû le ramener de force à la maison après l’avoir ligoté dans un drap, à cause des voisins. Avec une aisance incroyable, il ruait, hennissait, lançait tel un dément le fameux cri dionysien Io Bakhé ! et répandait dans la cour la résine pâle et odorante de sa virilité retrouvée. Il affirmait que Protogonos mitera ka pamitor Seleni, Séléna, la Mère Primordiale à l’origine de toutes choses, l’avait non seulement rajeuni mais encore transformé en cheval. Sentinelle, Rodolfo Walsh (Traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Dessommes) Vous vous approchez de moi et vous vous arrêtez tout à côté de mon visage, vous êtes si près que je sens l’odeur de cuir de vos bottes. C’est le moment le plus difficile parce que je sais pas si vous allez me flanquer un coup de pied dans la gueule ou si vous allez faire la même chose que l’autre fois, quand vous avez trouvé le grand Landivar endormi. J’ai sacrément envie de mettre mon bras devant mon visage, mais je me retiens. Je sais pas quoi faire de mes yeux : est-ce qu’il faut les serrer très fort pour les empêcher de trembler ? je sens du sable couler entre mes paupières. Pas de panique, mon vieux, tiens-toi tranquille. Le chasseur, Jose Manuel Fernandez Pequeño (Traduit de l’espagnol (Cuba) par Isabelle Dessommes) Dans la hausse du fusil et derrière le point de mire, qui étaient alignés dans la perspective du tir, il vit, entre les yeux de l’oiseau, la tache rouge allongée jusqu’au bec. Il s’en aviserait par la suite, la base de ce qu’il prit alors pour un triangle naissait, sans délimitation précise, quelque part derrière la tête. Mais il ne put s’en apercevoir, cet aprèsmidi là, lorsqu’il baissa le rifle et se mit à observer l’oiseau bleu, un peu plus gros qu’une colombe, se détachant sur le bleu plus léger du ciel. L’histoire d’Ivy, Coleman Dowell (Traduit de l’anglais par Bernard Hœpffner) J’ai été direct : Tu veux dire, lui ai-je demandé, que tu t’es engagée après une seule expérience sexuelle ? La question, théoriquement clinique, contenait tant de lubricité que nous nous sommes mis à rire tous les deux, honteusement. J’avais plus ou moins tout raconté sur Calvin et moi et elle avait dû ressentir ce récit comme un fardeau, mais elle continuait à me résister. J’ai pensé : Ah oui, le grand mystère de l’homme et de la femme me sera toujours caché, ce qui explique les voyeurs dans mon genre. (Et j’ai rendu cela encore plus mystérieux en censurant « noir » et « blanc » de ma pensée.) Elle m’a simplement expliqué qu’elle était tombée amoureuse d’Eager cette nuit-là et que cet amour était partagé. MARGINALIA Un cauchemar collectif sur les races. À propos de Blanc sur noir sur blanc de Coleman Dowell, Edmund White (traduit de l’anglais par Bernard Hœpffner)
Published:1998